BALUM piti - Journal de bord du dimanche 18 août 2013

Journal de Raphaël – Las Palmas de Gran Canaria – Dimanche 18 août 2013

 

Mardi 30 juillet 2013 : nous quittons Gran Canaria qui aura été un très bon moment. Plusieurs hypothèses s’offrent à nous pour ne pas répéter le scénario du départ de Tenerife avec 24 heures de moteur. Lanzarote est au nord-est : vu le vent, on envisage de tirer un grand bord vers le nord-ouest pour pouvoir trouver une ligne directe avec vent de travers. Et puis, malgré nos prévisions météo de luxe, on sort du port, on établit les voiles et on se rend compte qu’on attrape le bon cap directement en naviguant au près. Rien ne se passe jamais comme prévu. Hélas, naviguer au près avec des vagues presque 2 fois supérieures à ce qu’on pensait, ça devient vite épuisant. Et là, on va encore passer une nuit difficile avec des cargos dans tous les coins.

C’est seulement à 7h du matin que ça se calme, et l’arrivée sera beaucoup plus détendue pour nous installer dans le Puerto Calero. Très bel endroit, d’ailleurs, qui a la particularité d’avoir des bittes d’amarrage en laiton poli brillant, on dirait de l’or.

Garés à 20 mètres de nous, on retrouve Joël et sa compagne Christine qu’on avait rencontrés à Madère. C’est l’occasion de passer de bonnes soirées avec d’interminables discussions, des discussions de marins.

 

Jeudi 1er août 2013 : joli temps ce matin, ça me donne envie d’aller marcher. Je vise un volcan dans l’arrière pays, et je me le fais, 4 heures aller-retour. Petit repas frugal en arrivant, et l’après-midi baignade dans les rochers avec palmes et masque. L’eau est à 25°, et plein de poissons colorés nous entourent ; c’est vraiment très beau.

On finit la journée avec Joël et Christine au resto, jusqu’à la fermeture.

 

Vendredi 2 août 2013 : journée tourisme sur l’île de Lanzarote. Nous somme bien installés dans le joli port de Calero, et trouvons à louer une belle Fiat 500 jaune canari. Le matin on va visiter une maison fabuleuse, aménagée dans des grottes de champs de lave par le célèbre peintre César Manrique. L’endroit est envahi de touristes, tout y est beau, décoré par l’artiste lui-même avec beaucoup de talent.

L’après-midi sera consacrée à un belvédère au nord de l’île qui permet en principe de voir l’île de Graciosa, qui sera notre prochaine étape.

Hélas, et cela malgré la saison, le sommet en question est dans les nuages, et on ne verra rien.

Mais en redescendant un peu, on passe sous la couche de brouillard, et le spectacle, tout à coup, devient magnifique, on aperçoit la mer et le mouillage de rêve où nous pensons aller dès que le vent et la mer le permettront.

En montant vers ce sommet, un site est signalé sur notre droite. Il s’agit d’une immense étendue de lave récente. Nous nous y engageons, et au moment où Didier me signale qu’à Hawaii c’est dans ce genre d’endroits qu’on trouve des lavatubes (une galerie souterraine qui conduisait la lave liquide), on en aperçoit un, effondré, à 50 mètres de la route. On s’arrête, on y va, et on se retrouve au fond de ce petit canyon avec une grotte à l’arrivée et une à la sortie. Sous nos yeux admiratifs, 4 grimpeurs de haut niveau font de l’escalade artificielle jusque sur le plafond de ces grottes. Incroyable.

Nous rentrons finalement au port, où nous retrouvons nos voisins rochelais, avec qui nous passons la soirée dans le bateau autour d’un repas et de quelques bouteilles.

 

Samedi 3 août 2013 : 2ème jour avec notre belle voiture jaune. Nous partons tôt ce matin, sur le conseil avisé de Joël, pour le site volcanique de Timanfaya, autrement nommé Montagne de Feu. Le conseil est bon, car quand nous arrivons, il n’y a que 5 ou 6 voitures qui font la queue, quand nous en ressortirons il y en aura des dizaines.

Nous cheminons dans des champs de lave datant du 19ème siècle, spectacle lunaire, pour arriver sur un grand parking. Là ce sont des cars qui prennent le relais et nous font faire le tour de cet espace protégé de 170 km2. Des volcans égueulés de tous côtés, jusqu’à la mer, des croûtes de lave cordée ou fondue comme de la mousse au chocolat font chauffer les appareils photo. A côté des parkings, des préposés font des démonstrations de geysers en versant des seaux d’eau dans des trous brûlants. Tout le monde applaudit.

Après ce parcours plein de sensations, nous descendons au sud de l’île de Lanzarote à Playa Blanca, pour voir la marina Rubicon, pas mal d’ailleurs, juste un peu trop peuplée à notre goût. Après un bon petit repas, nous nous échapperons vers une pointe sauvage, le cap de Papagayo.

Le retour se fera par une route côtière, traversant à nouveau un chaos de roches noires, et longeant un lac vert et des salines. La beauté des paysages est augmentée par les contrastes des couleurs, du noir, du blanc, des ocres et des bruns de toutes sortes, des rouges mais aussi du vert, et le bleu du ciel et de la mer.

Le temps ? Toujours pareil, du vent, même au port avec des 25 nœuds et plus, qui nous empêche de remonter à l’île de Graciosa. En même temps ce n’est pas dramatique, quand on saute d’un paradis à l’autre.

Ce soir on retrouve nos amis français qui n’ont pas réussi à décoller d’ici pour un mouillage plus au sud, à cause des rafales.

 

Lundi 5 août 2013 : aujourd’hui on annonce à tout le monde notre décision de remonter en France, justifiée par un défaut d’assurance. De loin, ça peut paraître léger, il faut savoir que les accidents de mer, on dit les « fortunes de mer », ne sont pas si rares que ça. Dernièrement, 3 voiliers qui remontaient des Antilles hors saison ont disparu corps et biens, et les récits que nous écoutons au hasard de nos rencontres ne font que renforcer cette opinion.

 

Mardi 6 août 2013 : les conditions de vent s’annoncent correctes pour ce weekend, et on se prépare doucement pour le retour. En attendant on se baigne au milieu des poissons, avec palmes et masque, entre 2 rafales, qui atteindront entre 36 et 45 nœuds dans le port. Comme dit Didier, à terre ce n’est rien, mais dans le port ou en mer c’est impressionnant.

 

Mercredi 7 août 2013 : ce matin, petite rando jusqu’au port voisin de Puerto del Carmen, 3 heures aller-retour. Nous empruntons un sentier côtier désertique mais aménagé, qui surplombe des rochers basaltiques tombant dans une eau limpide. Didier, qui n’est pas un grand amateur du genre, a quand même apprécié.

Notre séjour s’achève gentiment, en attendant la fenêtre météo qui rendra possible notre départ pour le retour vers la France.

Cette fenêtre arrive, elle est de 3 jours, et on va essayer de ne pas la rater. Elle nous indique des vents qui, en les aidant un peu avec le moteur, devraient nous permettre de remonter au près jusqu’à l’île de Porto Santo, ou, au pire, à Funchal sur l’île de Madère. En attendant, Didier bricole, il change l’anode de l’hélice qui était entièrement mangée par l’électrolyse, en plongeant sous le bateau, ce qui n’est pas rien. Il en profite pour nettoyer la coque à l’éponge, même si elle n’en avait presque pas besoin, grâce à sa peinture sous-marine de luxe.

On réapprovisionne le bateau pour avoir une semaine d’avance au minimum, on ne sait jamais.

Le départ optimum est prévu pour ce samedi 10, et on sait déjà que le vent forcira en arrivant à Porto Santo, et qu’il faudra sûrement attendre quelques jours pour envisager la suite.

 

Vendredi 9 août 2013 : Didier décide de partir aujourd’hui pour profiter au mieux des 3 jours favorables annoncés par le fichier météo du nom de GRIB, et le site web Windguru.

A une heure, on largue les amarres. Adieu les Canaries, on reprend la boucle en sens inverse. On remonte péniblement au moteur jusqu’au Nord de Lanzarote, pour pouvoir prendre un virage qui est sensé nous donner un cap direct vers Madère ; d’ailleurs on a déjà laissé tomber l’escale de Graciosa. Ce sera pour une autre fois. Mais là on déchante vite, le vent est trop nord, ajouté à cela la mer est bien formée, avec des vagues entre 2 et 3 mètres très pénibles à supporter quand on navigue au près. Le capitaine et son moussaillon comprennent à ce moment-là que ça va être dur, long et très fatiguant. A 7 heures du matin, après une nuit difficile, nous nous réunissons et la décision est prise : on jette l’éponge. Virement de bord, cap sur le port de Las Palmas à Gran Canaria dans des conditions de navigation confortables, au portant, et presque soulagés d’avoir pris cette décision.

 

Mardi 13 août 2013 : déjà 2 jours au port, où nous retrouvons d’autres navigateurs de notre genre, certains que l’on connaît depuis Madère, d’autres rencontrés plus récemment, et tous nous racontent leurs difficultés, leur ras-le-bol de cette mer toujours trop agitée, de ce vent toujours trop fort. L’un d’eux a essayé il y a un an de remonter en France, et il est toujours là. Il envisage maintenant de faire le tour de l’Atlantique pour être au vent portant tout le long.

 

Vendredi 16 août 2013 : en attendant, on est au port, on fait connaissance avec nos voisins, un café par-ci, un repas par-là, des propositions de balades à venir. Didier regarde les offres pour le rapatriement du bateau, et elles commencent à arriver. Autour de quelques verres, et entourés de marins chevronnés, la petite flamme vacillante de Didier se ravive quelque peu. Il étudie les météos et des scénarios possibles pour l’avenir en passant par les Açores. C’est vrai que les conditions de navigation ont l’air de changer et que le traumatisme de ces îles s’éloigne un peu.

Les réactions des gens qui arrivent ici sont unanimes, on pourrait en faire des livres pleins de désillusions, de rêves, d’attentes et même d’abandons quasiment définitifs.

 

Samedi 17 août 2013 : tout ça ne nous empêche pas de prendre du bon temps. Ainsi aujourd’hui, accompagnés de Joël et Christine, nous sommes allés à pied dans le vieux quartier de Las Palmas visiter la cathédrale d’une part, mais aussi le musée dédié à Christophe Colomb. Il aurait peut-être séjourné dans ce très beau batiment du XVème siècle avant de partir pour ses expéditions.

En arrivant au port, et après une douche pour certains, Martial et Françoise, rencontrés à Puerto Calero, nous attendent sur leur beau bateau de 13,50 mètres, MaBanga, pour un apéritif. La veille c’était chez nous, et demain ce sera chez Joël et Christine, à bord de Blue Wave.

 

Les gens ne se rendent pas compte de la dureté de la vie sur un bateau.

 

Les murs canariens, tous différents, tous étonnants, mais tous noirs, ou presque.

 

Le mot de Didier – à Las Palmas de Gran Canaria - Dimanche 18 août 2013

 

« Il faut battre son frère quand il est chaud. » On aime bien ce proverbe à bord, même si on ne le met jamais en pratique, on a trop peur de s’en prendre une en retour. Non, à vrai dire, ça se passe bien avec Raphaël, il est indulgent avec le captain, et pour le garder dans de bonnes dispositions, je le réveille le matin avec de la musique douce et du café tout frais !

 

Gran Canaria – La vie de ponton

on avait passé une semaine sur Gran Canaria en juillet, nous y voici à nouveau. On copine avec les navigateurs de passage, ou avec des navigateurs arrivés ici il y a 2, 4, 7 ans ou plus, qui n’étaient là que de passage, et qui, pour une raison ou pour une autre, sont restés là un peu, puis beaucoup, et sont maintenant installés définitivement. Certains gardent leur bateau prêts à repartir, d’autres le transforment peu à peu en mobile home, avec plantes vertes et tout un fourbi sur le pont, qui rendrait bien difficile la moindre manœuvre dans le port. Et tout ce petit monde de déracinés est accueillant, de bonne humeur, prêt à rendre service, et disponible pour papoter à tout moment de la journée ; parfois, Raphaël, toujours d’accord pour tailler une bavette, a un peu de mal à arriver au bout du ponton !

 

« La bonne saison démarre le 15 août ou début septembre : il ne faut pas venir naviguer aux Canaries en juillet-août. » C’est une info de Radio-Ponton, mais il n’y a rien dans notre guide à ce sujet, on aurait aimé le savoir plus tôt ! Ou alors on n’a pas regardé au bon endroit…

 

Les états d’âme des navigateurs

Que se racontent les navigateurs quand ils se croisent ? Des histoires de navigateurs. Et ici, c’est toujours des histoires de vagues trop fortes, d’accélérations du vent trop abusives, de vent jamais dans le bon sens… Et des histoires de bateaux qui renoncent, ou qui ont envie de renoncer, et des anecdotes sur le mode « c’était mieux avant »…

C’est vrai que moi aussi j’ai envie d’en rajouter : quand même, 45 nœuds dans la marina de Puerto Calero, et ne parlons pas de toutes les fois où le vent est passé au dessus de 30 nœuds à bord de Balum piti. Depuis 10 ans, Raphaël rapportait un fait héroïque vécu à bord de Balum le premier, le vent avait atteint 27 nœuds dans une rafale ! Aujourd’hui, Il regarde l’anémomètre et dit d’un air détaché : « tiens, encore une rafale à 33 nœuds »…

 

Les fichiers « GRIB », la météo marine…

On a perdu la foi, on n’y croit plus… Les prévisions sont toujours fausses, dans le mauvais sens bien sûr, toujours trop optimistes, les vagues annoncées à 1,5 mètre dépassent 2 mètres, voire 3 mètres…

Les accélérations, ces fameuses accélérations des Canaries ne sont pas un mythe ! Et puis les vagues, les vagues… Tout ça associé cause du souci à Balum piti, qui est un dériveur intégral et qui n’aime pas remonter au près serré, contre le vent.  On attend, il faut que nous fassions du travers, ou du bon plein, mais pas du près trop serré – et la météo n’est pas d’accord, qui ne nous annonce que du vent pas très favorable.

 

Les ris

Il y a 10 ans, Balum le premier avait 3 ris dans sa grand voile pour pouvoir la réduire, mais en une année de navigation je n’avais jamais utilisé que les 2 premiers ; avec Balum piti, nous utilisons couramment le 3ème ris ! Notre ami Joël, de Blue Wave, parle de faire rajouter un 4ème ris sur sa grand voile…

 

Les états d’âme du captain

On rentre en bateau, en avion ? J’ai rencontré un navigateur à Gran Canaria qui me propose de me remonter le bateau à Bénodet au mois d’octobre ; nous rentrerions en avion, plutôt que de poireauter à attendre des conditions meilleures pour rentrer. C’est tentant, j’hésite ; et puis on discute avec les copains de ponton et je me dis que c’est trop bête ; et puis un bateau fait demi-tour pas loin du port, après avoir essuyé des rafales à 40 nœuds, et à nouveau je me tâte…

Rentrer par les Açores ? Par la côte portugaise ?

Raphaël me pousse bien sûr à revenir en bateau, par les Açores ou le Portugal, peu lui importe, et moi je me vois passant des jours et des jours à faire du près serré dans des vagues de 3 mètres… J’écris ça alors que le temps est moche au dessus de ma tête.

Avec Raphaël, on a quand même bien envie de faire une petite escale sur l’île de Graciosa, au mouillage dans une petite crique avec eau cristalline et paysage de rêve. Et puis ensuite on irait sur l’île de Fuerteventura où nous ne sommes pas encore allés.

Avion, pas avion ? La suite au prochain épisode !

 

 

Allez lire les journaux précédents !

Novembre 2011 : BALUM piti, un Feeling 32 dériveur intégral, a été livré "tout nu" au chantier Ariès de Cherbourg.
Après une préparation impeccable, BALUM piti a été mis à l'eau en janvier 2012.

 

BALUM veut dire "baleine" en breton, piti veut dire "numéro deux" en tahitien - eh oui, c'est un métis breton-tahitien !

 

 Il y a eu Balum, puis BALUM piti. Qui sera leur successeur ?