Balum piti - "La parenthèse bénie" - Lundi 2 septembre 2013

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Journal de Raphaël

à Gran Tarajal - Fuerteventura – Lundi 2 septembre 2013

Mardi 20 août 2013 : c’est décidé, on part demain vers 3 heures du matin, direction l’île de Fuerteventura, dans l’idée d’y arriver de jour. Didier s'est mis d'accord avec Serge, qui propose de ramener le bateau à Bénodet en octobre. Pourquoi ne pas rester à Gran Canaria ? Parce que le port accueille fin septembre un rallye nommé l’ARC, et pour cela les marineros libèrent un maximum de places. En plus, Serge revient de France avec un bateau précisément à Gran Tarajal-Fuerteventura, d’où il lui sera plus facile de repartir avec Balum piti.

Pour notre dernière soirée, on invite Martial et Françoise, Joël et Christine, et un voisin français de St Nazaire, Jean-Pierre. Surprise, juste avant de se séparer vers 22 heures, le vent se lève et la pluie se met à tomber. Décidément les Canaries nous en veulent. A 2 heures du matin, quand on se lève, on se regarde, et on se demande si on ne partirait pas un autre jour. Finalement on y va, bien qu’un gros cargo nous barre la route au moment de sortir du port.

La suite du voyage sera en définitive calme, même si les vents capricieux viendront de toutes les directions possibles. En mer, et pour la première fois de ma vie, je verrai un poisson volant. On finira l’étape au moteur, pour arriver à 9 heures du soir au port de Gran Tarajal, accueillis par un vigile. L’accostage est délicat à cause d’un vent de travers, mais tout finit bien. Papiers à la capitainerie, et au lit !

 

Vendredi 23 août 2013 : la vie s’organise autour d’un village agréable. Pas de WIFI au port, mais en ville pas de problème. La plage est à 5 minutes, et en journée elle attire beaucoup de monde. Des tas d’activités y sont organisées, tournois de foot, jeux divers, jusqu’au soir où on peut boire partout en écoutant de la musique. En rentrant au bateau, nous rencontrons un breton solitaire d’Audierne, Armel, très sympa. Didier va lui faire quelques apports informatiques, et lui nous invite à manger sur son bateau. Comme d’habitude, les discussions vont bon train, souvent trop techniques pour moi, pour finir autour d’une bière sur la promenade à 11 heures du soir. En rentrant au bateau, une surprise nous attend : on aperçoit d’énormes raies genre « pastenague » à quelques mètres de nous, et en pleine lumière.

 

Mercredi 28 août 2013 : on aurait pu rester à Gran Canaria pour attendre l’avion, et nous serions partis en ayant vu de loin les îles de El Hierro, La Palma et Fuerteventura. Le hasard nous permet de découvrir Fuerteventura, et nous ne le regrettons pas. Pendant que Didier est sur l’ordinateur, je m’organise des petites randos sur les collines avoisinantes, qui sont souvent récompensées par des paysages superbes. La nature, où la végétation est quasi inexistante, permet de choisir ses parcours sans tenir compte des quelques chemins qu’elle propose. Contempler la mer depuis le sommet d’un vieux volcan c’est quelque chose !

Nous rencontrons un couple de navigateurs français, Antoine et Christiane. Celui-ci, ancien chaudronnier, a construit son bateau en tôle de fer de ses propres mains. Même si son équipement est des plus succincts, il navigue à l’ancienne, avec des projets gigantesques, comme aller en Antarctique pour faire quelques photos, puis remonter jusqu’à Madagascar, la terre de ses ancêtres.

Nous avons loué une voiture pour 3 jours. Pour cette première journée, nous allons sur la côte opposée, jusqu’au village côtier de Ajuy, dont nos guides touristiques ne parlent pas. Et pourtant ce village est d’une grande beauté, simple, sans tourisme ostentatoire, doté d’une falaise unique en son genre. Ici les mouvements du sol ont relevé une couche de calcaire du fond de l’océan, mêlée de projections volcaniques. La mer et l’érosion naturelle ont fait le reste. L’après-midi, nous avons poussé au sud de l’île, jusqu’au petit port de Morro Jable. Cet endroit, à part la plage qui est superbe, est une fois de plus tout ce que l’on n’aime pas. Du tourisme jusqu’à l’écœurement, et sans intérêt. Par contre, on attrape une piste de plusieurs dizaines de kilomètres qui nous mène jusqu’à la pointe extrême, à Puerto de La Cruz. Christine de Blue Wave nous avait parlé de la « maison Winter » sur la plage de Cofete, qui avait servi de relais discret à la fin de la 2ème guerre mondiale aux allemands qui voulaient émigrer en Argentine. Mais que dire du site ? Époustouflant ! On passe un col dans un décor lunaire pour découvrir cet espace immense, une montagne nue bordée d’une jolie plage inviolée. Dans le lointain, une dune de sable saharien traverse toute la largeur de l’île. Perdue au milieu de ce panorama, cette fameuse « maison Winter » qu’on ne risquait pas de repérer à l’époque.

 

Jeudi 29 août 2013 : Nous nous rendons dans un petit coin perdu sur la côte, Playas Verdes. Des rochers déchiquetés, des vagues qui déferlent, des piscines naturelles où des familles se baignent. De là, nous montons une route pittoresque dans une sierra, d’un belvédère à l’autre. Nous observons des aigles, plus loin des écureuils mignons comme tout qui courent dans la pente caillouteuse, et nous arrivons dans le bourg de Betancuria, ancienne capitale de l’île. Un petit musée archéologique nous apprend qu’ici les anciens peuples préhispaniques étaient les « Majos ». Hélas, 2 tribus se partageaient le territoire et se faisaient la guerre. Il faut ajouter à cela une exploitation exagérée des ressources en bois et des pâturages qui a fini par peler tout l’espace disponible.

Le retour se fera par Puerto de Rosario, la capitale de l’île, et l’aéroport pour confirmer les billets d’avion. Un petit resto à Ajuy en soirée, face au couchant, pour conclure une belle journée. Nous y dégustons du « gofio » pour la 2ème fois. Du coup j’en ai acheté. Qu’est-ce que le gofio ? C’est une spécialité canarienne, une farine de maïs ou de blé qui sert à faire des entremets délicieux.

 

Vendredi 30 août 2013 : 3ème journée de location. Cette fois nous visons le nord. Nous étions passés, en montant à Lanzarote, à côté de la Isla de Lobos, entre Lanzarote et Fuerteventura, sans nous y arrêter, et je l’avais un peu regretté, j’y aurais bien fait un mouillage. Cette fois c’est réparé. Bien sûr on ne peut pas y aller, vu qu’on est en voiture, mais on la voit de près. L’immense plage qui mène à cette pointe est exceptionnelle. Elle est faite d’un sable très fin et presque blanc, déposé par des vents sahariens, le Calima et le Chergui…

Petit repas à Corralejo, station balnéaire en face de l’île, puis nous empruntons une piste côtière dans ces paysages volcaniques autant que désertiques. Nous trouvons une petite plage où nous nous baignons et bronzons une petite heure. Il est déjà tard quand nous rentrons, et nous sommes attendus par Antoine et Christiane pour un petit repas sur leur bateau. En fait Didier est en train de donner des rudiments d’informatique à Antoine pour la navigation.

 

 

Cette fois le voyage touche à sa fin. Dans quelques jours on prend l’avion, on pense déjà aux semaines à venir, Didier à la vente de son bateau, moi à l’achat d’une voiture. On regarde en arrière en se disant qu’on n’a pas eu les meilleures conditions de navigation ni le meilleur temps, mais en définitive nous avons vécu une parenthèse bénie qui sans doute est un privilège, et que personnellement j’ai vécue dans ce sens.

 

 

Le mot de Didier – à Gran Tarajal - Fuerteventura – Lundi 2 septembre 2013

 

Les paysages des Canaries

On se sent souvent sur une autre planète dans ces îles ; La Gomera et Gran Canaria sont assez montagneuses, avec d’immenses ravines que des torrents ont dû creuser il y a des centaines d’années, quand il y avait encore de la pluie ici, à l’époque où on appelait l’archipel les « Iles Fortunées ». Les routes sont magnifiques, parfaitement tracées, confortables, et souvent vertigineuses. Le sud de l’île de Tenerife est couvert de dizaines de cônes volcaniques. L’île de Fuerteventura présente des reliefs plus doux, des plaines desséchées, des collines arrondies, et partout des cailloux, du sable. Pas de verdure, à part dans quelques rares oasis, des plantes grasses toutes maigres, et des chèvres à moitié sauvages qui achèvent la désertification de l’île. Le Maroc n’est qu’à 97 kilomètres, et les vents de sable du désert construisent ici des dunes de sable blanc. Pas de doute, on est sur une autre planète.

 

Croissants, café et « papas arrugadas »

Nous testons régulièrement les « croissants français » dans les pâtisseries et autres boulangeries qu’on croise depuis la Galice et le Portugal ; un jour à Lagos, on avait demandé à la vendeuse : « ce sont des croissants au beurre ? » ; « Ah non », avait-elle répondu, « ils sont garantis sans beurre ! », offusquée d’une telle question… On a refait des essais à Madère, puis dans les îles canariennes, pas de doute, ils sont sans beurre, et même sans goût, ou avec mauvais goût… On les passe au four, on les fend en 2 pour y mettre du beurre, ce n’est pas vraiment ça. Vivement les croissants de chez nous !

Le café moulu espagnol nous désespère : Raphaël, qui aime bien prendre un petit expresso au bistrot de temps en temps, est parti une fois en laissant sa tasse pleine, tant le café était imbuvable ! Pour les petits déjeuners à bord, on se fait du café frais, et il y a quelques jours on a jeté (oui, jeté !) un paquet de café moulu presque plein, la mouture sentait mauvais, et le café obtenu, malgré sucres et lait, était une vraie punition ! Vivement les petits cafés de chez nous !

Ah, ces français à l’étranger, ils ne savent que critiquer… Mais non, chaque fois qu’on le peut, on mange des poulpes et des calmars frits, moelleux et tendres… et puis des « papas arrugadas », ces petites pommes de terre canariennes cuites dans leur peau et servies avec une sauce pimentée, et puis des fromages de chèvre, et puis des oranges fraîchement pressées, et puis des glaces au turrón, et puis de la confiture de cactus, et puis de la bière « Tropical » !

 

Les rencontres en bateau

On ne le dira jamais assez : un des plaisirs de la grande croisière, ce sont les rencontres, des italiens, des irlandais, des espagnols, et beaucoup de français, avec qui les échanges sont plus faciles. D’un bateau à l’autre, pas de chichis, ça démarre vite, on n’a pas de temps à perdre, et puis une chose est sûre, on a une passion commune : la mer ! Parfois Raphaël trouve que les marins se racontent un peu trop des histoires de marins, avec des mots un peu trop techniques, mais la chaleur est là, on se retrouve de port en port, comme des vieux amis. On se rend des services, on se refile les bons tuyaux, et on sait qu’on se reverra.

 

Une obsession, photographier les raies !

Sur les quais du port de Gran Tarajal, quand la nuit tombe, les raies sortent, 2 ou 3 raies impressionnantes qui longent les rochers juste sous la surface. Hier soir, l’une d’elles est passée sous un ponton, on a pris des repères, on a mesuré : 1,50 mètre d’envergure ! Depuis plusieurs soirs, on se poste sur le bord, appareil photo chargé, et on attend. Et pas moyen d’en photographier une ! Elles se débrouillent pour passer quand on a éteint l’appareil, ou juste assez loin pour que le flash ne suffise pas, et dès qu’on renonce, elles arrivent, bien sûr ! Ce soir on y retourne. On les aura.

 

Le plaisir du petit journal

Pas prévu, pas calculé, ce petit journal. Ça devait être simplement un petit journal de bord, et c’est devenu, sous l'insistance de nos lecteurs adorés et préférés, un vrai journal de voyage ! On devait mettre quelques photos, maintenant on prend des photos travaillées en vue de les mettre sur le site, imaginez la pression... Et ne parlons pas des dessins de Raphaël, plébiscités ! La surprise est venue des retours par mail, après nos petits messages qui annonçaient la mise à jour du site ; on a compris qu’on avait plusieurs lecteurs, si si, et des lecteurs plutôt indulgents. Un mot revenait souvent dans vos mails : le mot « rêve »… Eh oui, nous vous avons fait rêver, pour notre plus grand plaisir !

 

On rentre, et Balum piti va suivre…

Dans quelques jours, on prend l’avion, je prépare le bateau pour sa dernière étape : rangements et nettoyages, vidange du moteur, vérification des drisses et des ris, stockage propre de l’annexe, grattage de la turbine sous-marine du loch, et tout ce qu’il faut contrôler avant une grande traversée. Serge doit arriver de Gran Canaria mercredi matin, pour prendre la suite. Arrivé en Bretagne, je vais commencer à organiser la mise en vente de ce beau bateau, et préparer la suite, le projet Balum Glas, la baleine bleue !

 

Allez lire nos journaux précédents !

Novembre 2011 : BALUM piti, un Feeling 32 dériveur intégral, a été livré "tout nu" au chantier Ariès de Cherbourg.
Après une préparation impeccable, BALUM piti a été mis à l'eau en janvier 2012.

 

BALUM veut dire "baleine" en breton, piti veut dire "numéro deux" en tahitien - eh oui, c'est un métis breton-tahitien !

 

 Il y a eu Balum, puis BALUM piti. Qui sera leur successeur ?